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ENCYCLOPÉDIE DU CINÉMA FRANÇAIS

 

 

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André Lefaur

Véritable nom : Alphonse André Lefaurichon.

Né à Paris (5ème) le 2 juillet 1879.

Décédé à Paris (6ème) le 4 décembre 1952.

Non, pendant les quatorze années qui précédèrent la Grande Guerre, il ne faisait pas partie de la troupe des Variétés, éblouissante et sans égale. Il s’est consolé de cet oubli avec le cinéma, grâce au brelan réuni par Flers et Caillavet : trois magnifiques ganaches du répertoire de Boulevard, le marquis de Chamarande (Le Roi, Pierre Colombier, 1935), le duc de Maulévrier (L’Habit vert, Roger Richebé, 1937), Monsieur Champmorel, directeur des Beaux-Arts (Le Bois sacré, Léon Mathot et Robert Bibal, 1939). Ni la jactance du premier, ni la muflerie du dernier ne peuvent s’oublier, encore moins la morgue pontifiante de l’académicien, sa suffisance, son verbiage farci de répliques cinglantes et de couplets fleuris. André Lefaur s’est introduit tout vif dans ces marionnettes dorées que deux écrivains de la bonne société précipitaient en pleine bouffonnerie. Les auteurs savaient de quoi l’acteur était capable, ils surent toujours l’employer à bon escient : Papa, Monsieur Brotonneau, Le Retour, Les Vignes du Seigneur… André Lefaur avait de la branche, comme on disait alors. De fière prestance, il portait beau, satisfait de l’ovale de sa figure, de son regard impitoyable, plus tard de son impeccable moumoute. Venu tôt au cinéma dans un rôle antipathique (L’Homme qui assassina, Henri Andréani, 1912), il fit un pas avec Abel Gance (La Dixième Symphponie, 1917) pour bifurquer vers des pochades aimablement parisiennes dont Pière (ainsi se faisait-il alors remarquer) Colombier était le confiseur attitré. Quand le Parlant fut venu, l’équipage prospéra. Sa meilleure cliente (1931, sur une idée de Louis Verneuil) lance le comédien dans une vision futuriste des instituts de beauté. L’École des cocottes (1934) le bombarde professeur de belles manières, et après Le Roi (1936) et son marquis de Chamarande, Le Club des Aristocrates (1937) le nomme baron de Taillebourg pour un film qui ne tient pas ce que son étincelante interprétation promet. Il avait été le premier Topaze sur la scène (1928), il fut le premier partenaire de Danielle Darrieux à l’écran (Le Bal, Wilhelm Thiele, 1931), juste avant de s’ébattre dans le meilleur Feydeau (La Dame de chez Maxim, Alexandre Korda, 1932). On va le retrouver, indispensable compagnon d’Elvire Popesco, tant au théâtre qu’au cinéma, d’abord parce qu’elle était l’inspiratrice du prolifique Louis Verneuil, ensuite parce que l’effervescence de l’une trouvait sa contrepartie dans la réserve un peu gourmée de l’autre. D’où le succès intarissable de Tovaritch, écrit par Jacques Deval, qui pâlit un peu dans l’adaptation cinématographique de l’auteur (1935), que Popesco, remplacée par Irène de Zilahy, ne put hélas assurer. Yves Mirande, solide fabricant de vaudevilles, appelait souvent à la rescousse celui qui, dans 4 Heures du matin (Fernand Rivers, 1937), sous le nom de La Bobine, se retrouvait à l’aube dans la vitrine d’un grand magasin, entortillé dans une toge romaine et rescapé du Bal des Quat z’Arts. Lors de l’enquête menée Derrière la façade (Yves Mirande et Georges Lacombe, 1938), Lefaur, kleptomane fataliste et agile de ses doigts, dessine une savoureuse esquisse de la gestuelle du pickpocket. Et Guitry dans ce palmarès ? Ami et confident de Raimu lors de la création de Le Blanc et le Noir (1922), puis filou distingué dans Un miracle (1927), où, quelques mois avant de prendre part à la création de Topaze (Marcel Pagnol, 1928), il donnait la réplique à Pierre Fresnay, il revint quelques années plus tard sous les traits d’un psychiatre, le docteur Flache, moteur de la comédie Un monde fou (1938). Au prologue de Faisons un rêve… (1936), porté à l’écran vingt ans exactement après sa création, il avait lancé de sa façon coutumière les courtes interventions – vachardes à souhait – à lui réservées. En 1939, il devint l’un des Neuf Célibataires, Adolphe, le clochard bien tenu, qui réduit au silence la ménagère charitable croquée par Yvonne Yma, épouse la toute jeune personne qui cherche mariage blanc (Geneviève Guitry), la console de ses ennuis d’amoureuse et lui fait convenir qu’il serait pour elle le meilleur des pères. Sourire mouillé, larme qu’on essuie vite, André Lefaur triomphe sans effort dans le sentimentalisme, bien éloigné de ses performances habituelles. Il y a aussi Marcel L’Herbier. Sous le madras du duc de Bouillon, mari cocu et philosophe, il se moque de son infortune, détaille à la loupe les gravures coquines et fait passer un souffle réjouissant sur le destin d’Adrienne Lecouvreur (1938). À la veille de la Seconde Guerre mondiale, devenu Lord Clayton, confident d’Édouard VII, il combine dans les coulisses de l’Entente cordiale (1938) le maintien de l’Anglais racé avec les mimiques autorisées par son passé de vieux compagnon d’armes du monarque. Il réapparaît en 1942 dans Le Baron fantôme, fantaisie qui flirte avec le rêve, ravissante collection de gravures romantiques présentées par Jean Cocteau et Serge de Poligny. Il prête sou autorité et sa roublardise à Eustache Dauphin, vieux malin qui, profitant de son nom, abuse la bonne société de province en se prétendant le fils de Louis XVI évadé de la prison du Temple. Composition minutieuse et réussie d’un acteur inspiré, qui endosse encore, avant de disparaître des écrans, du jour au lendemain, les fonctions et la charge de famille nombreuse de l’aimable libraire des Petites du quai aux Fleurs (Marc Allégret, 1943). Rompu à toutes les ressources d’un étincelant passé théâtral, il se mesurait sans crainte aucune à Raimu, à Saturnin Fabre, à Jules Berry, à Victor Boucher, à Marguerite Moreno, à Gaby Morlay, à Elvire Popesco, en somme, à tous ceux qui apportaient à leurs compositions le sel d’un talent rare et d’un métier sans faille, entretenu, étalé et toujours surprenant. Raymond Chirat.

Extrait de Ceux de chez lui ou le Cinéma de Sacha Guitry et ses interprètes – Volume 1

FILMOGRAPHIE :

1912 : L’Homme qui assassina (Henri Andréani). 1914 : La Vénus d’Arles (Georges Denola). 1917 : Ainsi va la vie (Pierre Bressol). La Coupe d’amertume (Maurice Fleury). La Dixième Symphonie (Abel Gance). Loin du foyer (Pierre Bressol). Madame Cicéron, avocate (Félix Léonnec). 1920 : Une fleur dans les ronces (Camille de Morlhon). 1921 : Monsieur Lebidois propriétaire (Pière Colombier). 1924 : Le Mariage de Rosine (Pière Colombier). 1925 : Chou-Chou poids plume (Gaston Ravel et Tony Lekain). 1931 : Le Bal (Wilhelm Thiele). Sa meilleure cliente (Pière Colombier). Son Altesse l’Amour (Erich Schmidt et Robert Péguy). 1932 : La Dame de chez Maxim (Alexandre Korda). La Fleur d’oranger (Henry Roussell). 1933 : La Femme idéale (André Berthomieu). 1934 : L’Aristo (André Berthomieu). L’École des cocottes (Pière Colombier). 1935 : Dora Nelson (René Guissart). Samson (Maurice Tourneur). Tovaritch (Jacques Deval et Germain Fried). 1936 : Avec le sourire (Maurice Tourneur). Faisons un rêve… (Sacha Guitry). La Maison d’en face (Christian-Jaque). La Peau d’un autre (René Pujol et Raoul Ploquin). Rigolboche (Christian-Jaque). Le Roi (Pierre Colombier). 1937 : Le Club des Aristocrates (Pierre Colombier). Les Dégourdis de la 11ème (Christian-Jaque). Le Fauteuil 47 (Fernand Rivers). L’Habit vert (Roger Richebé). 4 Heures du matin (Fernand Rivers). 1938 : Adrienne Lecouvreur (Marcel L’Herbier). L’Ange que j’ai vendu (Une fois au cinéma…) (Michel Bernheim). Derrière la façade (Yves Mirande et Georges Lacombe). Entente cordiale (Marcel L’Herbier). Eusèbe député (André Berthomieu). La Glu (Jean Choux). Mon oncle et mon curé (Pierre Caron). Le Monsieur de cinq heures (Pierre Caron). La Présidente (Fernand Rivers). Terre de Feu (Marcel L’Herbier). Un fichu métier (Pierre-Jean Ducis). 1939 : Le Bois sacré (Léon Mathot et Robert Bibal). Le Chemin de l’honneur (Jean-Paul Paulin). Ils étaient neuf célibataires (Sacha Guitry). Miquette (Jean Boyer). Paris-New York (Yves Mirande et Georges Lacombe). Le Veau gras (Serge de Poligny). 1940 : Parade en 7 nuits (Marc Allégret). Soyez les bienvenus ! (Jacques de Baroncelli). 1942 : Le Baron fantôme (Serge de Poligny). 1943 : Les Petites du quai aux Fleurs (Marc Allégret).  

LIEN VIDÉO :

www.dailymotion.com/video/x1u0n1_andre-lefaur-l-habit-vert_shortfilms (extrait de L’Habit vert, Roger Richebé, 1937, avec Elvire Popesco, Jules Berry, Victor Boucher, Pierre Larquey, Pierre Palau et Georges Morton). .

© Armel de Lorme