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ENCYCLOPÉDIE DU CINÉMA FRANÇAIS

 

 

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Betty Stockfeld

Véritable nom : Elizabeth Stockfield.

Née à Sydney (Australie), le 15 janvier 1905.

Décédée d’une leucémie le 27 janvier 1966, dans le comté de Surrey (Angleterre) (Royaume-Uni), et non à Londres même comme on l’a parfois écrit.

Durant près de dix ans, de 1931 à 1940, cette savoureuse Australienne née à Sydney 1 a illuminé les écrans de l’Hexagone et symbolisé à sa manière, en ces temps où la guerre rodait, l’Entente cordiale. Britannique jusqu’au bout des ongles, mais élevée en partie en France, elle prétextait le moindre contrat pour franchir le Channel et conquérir les studios français 1. Sa beauté, sa santé, son accent léger dont, coquette, elle usait à ravir, son amabilité sans effort lui dispensaient les faveurs journalistiques. Ses interlocuteurs se demandaient comment cette silhouette de sportive se diluait dans leur souvenir en image vaporeuse, grâce à l’ironie de son sourire, la fraîcheur de son rire, la caresse de ses moqueries. Ils lui reconnaissaient de « la branche » : une dignité pétrie de séduction, une aisance altière et, bien entendu, la finesse d’un talent embellissant ses personnages. Si les journalistes l’aimaient, les critiques, eux, soupiraient. Ravissante, Betty, soit, quand elle secouait ses cheveux d’or ou plissait les paupières de ses prunelles d’aigues-marines. Mais pourquoi s’embarquer, avec son chic exemplaire, dédaigneuse du qu’en dira-t-on, sur de fragiles rafiots pilotés (si l’on peut dire) par un Paulin (L’Abbé Constantin, 1933), un Vaucorbeil (La Garnison amoureuse, id.), un Caron (Les Femmes collantes, 1938), un Berthomieu (Les Nouveaux Riches, id.) ? Et la critique de déplorer hypocritement de la voir se déshabiller (très joliment, d’ailleurs) comme une autre Christiane Delyne, de s’exhiber en maillot de bain dans des succédanés d’opérettes provençales (Trois de la Marine, Charles Barrois, 1934 ; Arènes joyeuses, Karl Anton, 1935 ; Les Gangsters du Château d’If, René Pujol, 1939). Elle se riait de ces reproches, tant elle aimait jouer sur le sable de la Côte. Alors, pourquoi accepter, trop bonne fille, de camper plus souvent qu’à son tour les intrigantes (Les Nouveaux Riches, André Berthomieu, 1938), les hétaïres (La Garnison amoureuse, Max de Vaucorbeil, 1933), les demi-mondaines (Ils étaient neuf célibataires, 1939) ou les aventurières (Derrière la façade, Yves Mirande et Georges Lacombe, 1938) ? Était-ce son éclat, sa fantaisie, son art consommé d’écouter son partenaire et de lui répondre du tac au tac, qui lui faisaient accepter avec une trop grande constance ces personnages un rien répétitifs ? À dire vrai, elle irradiait pour n’importe quel rôle son intense bonheur de vivre qui lui autorisait toutes les impertinences. Avec beaucoup d’assurance, elle avait frôlé à son avantage le drame dans Club de femmes (Jacques Deval, 1936). À la fin des années 30, elle avait trouvé un succès personnel en interprétant la sympathique aviatrice de Sur le plancher des vaches (Pierre-Jean Ducis, 1939). Pendant la « drôle de guerre », elle prouva dans un film de circonstance (Elles étaient douze femmes, Yves Mirande et Georges Lacombe, 1940) qu’elle savait piétiner les préjugés avec conviction : un modèle de tact et de bonne humeur. Peu avant, on lui avait confié le personnage d’une aimable bourgeoise s’amusant, pour aider dans ses amours le fils d’un austère magistrat, à séduire le papa. Elle apparut éblouissante, jouant à ravir de la retenue étudiée, de la modestie piquante, de l’audace calculée. Vénus à sa proie attachée, elle parvint ce faisant à faire briller les pauvres répliques de Roger Ferdinand dans ce Président Haudecœur (Jean Dréville, 1939) où l’on ne voyait et n’écoutait, plus qu’elle. Harry Baur, lourd de tics et de procédés, ne pouvait que céder sa place à celle qui, plus tard, se souvenait de cette France inaccessible, de ce pays où elle travaillait et où elle avait passé les plus beaux jours de sa vie. Années d’Occupation obligent, il fallut que s’écoule une décennie entière avant de pouvoir célébrer son retour. Jacques Becker, le premier, lui fit signe, qui lui permit de dessiner malicieusement, dans Édouard et Caroline (1950), une Américaine élégante, richissime, jouant les égéries en parfaite reine du snobisme international. On retrouva son talent intact en évitant de constater l’alourdissement de ses traits, les traces de l’empâtement : c’était toujours l’étonnante Betty. On la revit ensuite, dans un emploi similaire, chez Verneuil (Les Amants du Tage, 1954), puis mêlée à l’intrigue policière d’une production franco-britannique d’Edmond T. Gréville (Je plaide non coupable, 1955). C’est en Angleterre qu’elle tourne, l’année suivante, son dernier film (True as a Turtle, Wendy Toye, 1956). Malgré les tentatives méritoires de Jane Birkin, elle demeure aux yeux de ceux qui ont vécu ces années cinématographiques lointaines, la figure de proue d’une période heureuse que la Seconde Guerre mondiale a pour toujours anéantie. RC

1. C’est cependant aux États-Unis que, repérée par les talent scouts d’Hollywood au cours d’une tournée théâtrale, elle décroche en 1926 son premier rôle à l’écran dans What Price Glory ? de Raoul Walsh.

Texte extrait de Ceux de chez lui ou le Cinéma de Sacha Guitry et ses interprètes – Volume 1 (De Pauline Carton à Howard Vernon), par Raymond Chirat, Armel De Lorme et Italo Manzi, L’@ide-Mémoire 2010.

Photo de gauche : Ils étaient neuf célibataires (Sacha Guitry, 1939) ; photo de droite : Sur le plancher des vaches (Pierre-Jean Ducis, 1939) - René Chateau Vidéo, D.R.

FILMOGRAPHIE :

1926 : Au service de la gloire/What Price Glory ? (Raoul Walsh). 1931 : Blanc comme neige (Francis A. Elias, Camille Lemoine et Jean Choux). Captivation (John Harvel). City of Song (Carmine Gallone). Seventy Seven, Park Lane (Albert de Courville, version anglaise du film 77, rue Chalgrin). Une nuit à l’hôtel (Léo Mittler). 1932 : Life Goes On/Sorry You’ve Been Troubled (Jack Raymond). Money for Nothing (Monty Banks, version anglaise du film L’Amour et la Veine). Monsieur Albert (Karl Anton). Le Roi des palaces (Carmine Gallone). King of the Ritz (Carmine Gallone et Herbert Smith, version anglaise du film précédent). The Impassive Footman (Basil Dean). The Maid of the Mountains (Lupino Lane). 1933 : Anne One Hundred (Henry Edwards). L’Abbé Constantin (Jean-Paul Paulin). La Bataille (Nicolas Farkas). The Battle/Hara-Kiri (Nicolas Farkas et Robert Stevenson, version anglaise du film précédent). La Garnison amoureuse (Max de Vaucorbeil). Lord of the Manor (Henry Edwards). Le Sexe faible (Robert Siodmak). 1934 : Brides to Be (Reginald Denham). The Man Who Changed His Name (Henry Edwards). Trois de la Marine (Charles Barrois). Le Voyage imprévu (Jean de Limur). Runaway Ladies (Jean de Limur, version anglaise du film précédent). 1935 : Arènes joyeuses (Karl Anton). Fanfare d’amour (Richard Pottier). The Lad (Henry Edwards). Le Vagabond bien-aimé (Kurt Bernhardt). The Beloved Vagabond (Kurt Bernhardt, version anglaise du film précédent). 1936 : L’Ange du foyer (Léon Mathot). Club de femmes (Jacques Deval). Dishonour Bright (Tom Walls). Under Proof (Roland Gillett). Une gueule en or (Pierre Colombier). 1937 : Who’s Your Lady Friend ? (Carol Reed). 1938 : Derrière la façade (Yves Mirande et Georges Lacombe). Les Femmes collantes (Pierre Caron). I See Ice (Anthony Kimmins). Les Nouveaux Riches (André Berthomieu). Son oncle de Normandie (Jean Dréville). 1939 : Frenesia (Mario Bonnard). Les Gangsters du château d’If (René Pujol). Ils étaient neuf célibataires (Sacha Guitry). Le Président Haudecœur (Jean Dréville). Sur le plancher des vaches (Pierre-Jean Ducis). 1940 : Elles étaient douze femmes (Georges Lacombe). 1941 : Hard Steel (Norman Walker). 1942 : Flying Fortress (Walter Forde). 1949 : The Girl Who Couldn’t Quite (Norman Lee). 1950 : Édouard et Caroline (Jacques Becker). 1954 : Les Amants du Tage (Henri Verneuil). 1955 : Je plaide non coupable/Guilty ? (Edmond T. Gréville). 1956 : True as a Turtle (Wendy Toye).  

© Armel de Lorme & Raymond Chirat