En bref, dans les grandes lignes… Carton presque plein pour The
Artist (un Oscar, ça se prépare un peu à l’avance), carton
pas plein du tout pour La guerre est déclarée (on le regrette), carton presque pas plein
pour Polisse (meilleur
montage et meilleure demi-révélation féminine, voilà qui sent un
poil le lot de consolation) et L’Apollonide
– Souvenirs de la maison close, toujours pas de César
d’honneur pour les artistes français et francophones – pas
assez chics probablement – et c’est à franchement parler
honteux, mais une belle ouverture (enfin !) à la diversité
(ce qui est bien), en l’occurrence doublée d’une prime au
talent (ce qui est mieux) : Omar Sy. De toute façon, et à dix
contre un, Jean Dujardin se rattrapera sur l’Oscar. Là encore,
c’est mieux.
Pour
le reste, l’Académie des César a enfin pris, au terme de
quarante ans de bons et loyaux services, dont la moitié à
cheval entre la France et l’Espagne, de l’immense talent de
Carmen Maura, ce qui est une bonne chose, et Mathilde Seigner, qui côté
classe est à Carmen Maura ce que la piquette est aux meilleurs
crus, a encore perdu – pour changer – une occasion de fermer le
truc entre le nez et le menton qui semble lui servir essentiellement
à manger, déglutir et aligner les fautes de goût comme autant de
professions de foi (« j’aime Johnny, Michèle Torr
et Michel Sardou », « j’aime pas les Monty Python,
c’est nul les Monty Python, c’est prétentieux d’aimer les
Monty Python », blablabla). En même temps, quand on est passée
en moins de dix ans d’actrice la plus prometteuse du cinéma
hexagonal à faire-valoir au choix de Franck Dubosc ou de chiards en
culottes courtes et grosses chaussettes de laine, faut bien rappeler
qu’on existe, et puis c’est vrai – à sa décharge – que
Joeystarr est bien plus excitant, cinématographiquement parlant,
que le fantôme de Michel Blanc.
Depuis
trois décennies et demi que les César existent, on sait que les
votes n’engagent au final que les votants : ça fait certes
pas mal de monde à l’arrivée mais ça ne reflète pas forcément
la richesse et la complexité d’une industrie capable dans le même
temps d’encourager de réels talents en devenir (au choix :
Maïwenn, Michel Hazanavicius, Valérie Donzelli ou les
Toledano-Nakache), de faire comme si Leos Carax n’avait jamais
existé et de renvoyer un Paul Vecchiali aux tournages à moins de
mille euro, on ne dit pas merci au CNC. Était-ce pour autant une
raison nécessaire et suffisante pour faire de cette cérémonie la
chose la plus ennuyeuse, la plus guindée, la moins drôle – ou la
plus drôle-pas-drôle (ce qui est pire) – et, pour paraphraser
nos confrères de Première, la plus ringarde (pas mieux) jamais
produite depuis que la toute première Nuit des César, il y a
trente-six ans ? Pas sûr.
Entre
un Antoine de Caunes fatigué-fatigant et un Guillaume Canet
toujours aussi mimi-craquant avec sa barbe de trois jours mais comme
roulé dans la naphtaline, une Julie Ferrier tout en roue libre,
pneu crevé et jante très en pas très bon état et une Julie
Depardieu – les César 2012 ou Comment transformer l’actrice la
plus drôle, la plus touchante et la plus délicieusement décalée
du cinéma français – en sous-caricature d’elle-même, par
ailleurs faute de Valérie Lemercier (participation limitée à un
faux duplex moyen-moyen, peut mieux faire) ou Florence Foresti pour
pimenter intelligement le truc, le pas séparant le fait de
s’ennuyer poliment de celui consistant à s’emmerder
copieusement a été franchi comme jamais, et c’est franchement
ballot au regard d’une sélection objectivement bien plus
excitante que celles cumulées des dix ou quinze dernières éditions.
Too bad.
Alors,
quoi ?! Redemander à la grande Isabelle Adjani de revenir
l’an prochain refaire, coupe de champ à la main, son show
bidonnant des César 2005 ? Rappeler Sophie Marceau afin de
rejouer pêle-mêle Cannes 1999 (l’année de la Palme d’Or et
des enfants handicapés) et Cannes 2006 (celle du sein
autopropulsé hors de la robe théoriquement supposée le contenir)
? Confier – c’est peut-être préférable, finalement – à
l’irrésistible trio des Gérard du Cinéma l’intégralité de
l’organisation et l’animation de la prochaine édition ?
Autant de pistes à creuser, la troisième nous paraissant à la
fois la plus judieuse, la plus opportune et la moins trash,
volontairement ou non. Quoi d’autre ? Rien. Si :
vivement 2013 !!
Armel de Lorme
LE
PALMARÈS :
Meilleur
Film : The Artist, de
Michel Hazanavicius.
Meilleur
Réalisateur : Michel Hazanavicius, pour The
Artist.
Meilleur
Acteur : Omar Sy, pour le rôle de Driss dans Intouchables
d’Éric Toledano et Olivier Nakache.
Meilleure
Actrice : Bérénice Bejo, pour le rôle de Peppy Miller The
Artist de Michel Hazanavicius.
Meilleur
Acteur dans une Second Rôle : Michel Blanc, pour le rôle de
Gilles dans L'Exercice de l’État
de Pierre Schœller.
Meilleure
Actrice dans un Second Rôle : Carmen Maura, pour le rôle de
Concepción Ramírez dans Les
Femmes du 6e étage de Philippe Le Guay.
Meilleur
Espoir Masculin : Grégory Gadebois, pour le rôle de Tony dans
Angèle et Tony d’Alix
Delaporte.
Meilleur
Espoir Féminin (ex-æquo) : Naidra Ayadi, pour le rôle de
Nora dans Polisse de Maïwenn,
et Clotilde Hesme, pour le rôle d’Angèle dans Angèle
et Tony d’Alix Delaporte.
Meilleur
Scénario Original : Pierre Schœller, pour L'Exercice
de l’État de Pierre Schœller.
Meilleure
Adaptation : Yasmina Reza et Roman Polanski, pour Carnage
de Roman Polanski, d’après la pièce de Yasmina Reza Le
Dieu du carnage.
Meilleurs
Décors : Laurence Bennett, pour The Artist de Michel Hazanavicius.
Meilleurs
Costumes : Anaïs Romand, pour L’Apollonide – Souvenirs de la maison close de Bertrand Bonello.
Meilleur
Photographie : Guillaume Schiffman, pour The
Artist de Michel Hazanavicius.
Meilleur
Montage : Laure Gardette et Yann Dedet, pour Polisse
de Maïwenn.
Meilleur
Son : Olivier Hespel, Julie Brenta et Jean-Pierre Laforce, pour
L'Exercice de l’État de
Pierre Schœller.
Meilleure
Musique de Film : Ludovic Bource, pour The
Artist de Michel Hazanavicius.
Meilleur
Premier Film : Le Cochon
de Gaza/When Pigs Have Wings, de Sylvain Estibal.
Meilleur
Film d'Animation : Le
Chat du rabbin, de Joann Sfar.
Meilleur
Film Documentaire : Tous
au Larzac, de Christian Rouaud.
Meilleur
Film Étranger : Une séparation,
d’Asghar Farhadi.