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ENCYCLOPÉDIE DU CINÉMA FRANÇAIS

 

 

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Claude Dauphin

Photo extraite de Cyrano de Bergerac, Fernand Rivers, 1945, La Mémoire du Cinéma, D.R., avec l’aimable autorisation de René Chateau

Véritable nom : Claude Marie Eugène Legrand.

Né à Corbeil-Essonnes (Essonne) le 19 août 1903.

Divorcé de Rosine Jeanne Degoulet, dite Rosine Deréan (1910-2010).

Divorcé de Marcelle Marthe Marguerite Michel, dite Maria Mauban (1924-), un fils, Claude Marie Raymond Legrand, dit Jean-Claude Dauphin, né à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) le 16 mars 1948.

Marié à Norma May Eberhardt.

Décédé à Paris (7ème) le 16 novembre 1978.

Fils de l’humoriste-poète Franc Nohain et frère de Jean, dit Jaboune, futur grand nom de la radio, Claude qui savait dessiner s’installa au théâtre de l’Odéon, non pour y jouer la comédie mais pour s’occuper des décors. Dix ans passèrent ainsi lorsque l’envie d’occuper la scène le poussa à devenir Claude Dauphin pour se faire applaudir. Sympathique et rieur, il sut panacher de fantaisie et de belle humeur les rôles qu’on lui confiait. Il apprit à tempérer de tendresse ses regards volontiers narquois. Sa modestie réelle se cachait sous la malice. Aérien comme bulle de savon, il papillonnait entre cour et jardin, observait les uns et les autres et constatait que la fréquentation des mauvais acteurs côtoyés à l’Odéon lui avait été profitable en lui prouvant tout ce que le naturel a d’enviable chez le comédien.

Le cinéma, à l’aube du parlant, le happa rapidement. En 1932, il reconnaissait avoir tourné en deux ans dix-sept films, courts ou longs. Sous l’œil de la caméra, il parcourut La Route heureuse (Georges Lacombe, 1935) pour savourer Le Retour au paradis (Serge de Poligny, 1936). Tout en participant au Voyage imprévu (Jean de Limur, 1934), il s’amusait des Surprises du sleeping (Karl Anton, 1933) et croisait La Fille du régiment (Carl Lamac et Pierre Billon, 1933). Quittant le presbytère de L’Abbé Constantin (Jean-Paul Paulin, 1933), il allait vendre les chaussures de Dédé (René Guissart, 1934).

Cette agitation frivole, cette euphorie, se coloraient parfois de gravité, viraient à l’amertume de Nous ne sommes plus des enfants (Augusto Genina, 1934). Poudre aux yeux, poudre de riz, poussière du temps qui passe, autant de variations qui n’échappèrent pas à l’œil vigilant de Sacha. Claude Dauphin et Rosine Deréan, son épouse, mirent leur grain de sel dans les papotages mondains de Faisons un rêve… (Sacha Guitry, 1936). Ils apportèrent à cette assemblée d’un certain âge la fraicheur de leur jeunesse.

L’année suivante (1937) Sacha Guitry les convie à la recherche des Perles de la Couronne. Rosine devient « une jeune fille anglaise de 1637 à 1937 », tandis Claude, sous les chaines du prisonnier italien de la reine d’Abyssinie, s’abandonne avec délices aux propos qu’il échange avec Arletty et Dalio. Vu le succès obtenu, l’auteur joue aussitôt les prolongations et, à l’occasion de la revue Crions le sur les toits crayonne une parodie : Les Fausses Perles de la Couronne. Claude devient duc de Chambly, Rosine est toujours là, Arletty et Delubac, Sacha et Michel Simon, Émile Drain et Jean-Louis Barrault les accompagnent. Or, au terme du spectacle, Sacha cesse complètement d’utiliser Dauphin, coqueluche du Boulevard, dont le talent semblait si bien s’accorder aux reparties du « roi de Paris ».

Dans une interview ancienne, Dauphin avait reconnu que le contrat qui le liait à Henry Bernstein pour la création de ses pièces lui laissait peu de liberté. Il devait consacrer son temps et son talent, d’année en année aux drames écrits par le rival de Sacha Guitry : Le Messager, Le Cœur, Espoir, Le Cap des Tempêtes, La Soif… Ce pourrait être l’explication de sa disparition définitive de l’entourage du « bien-aimé ».

Bien plus tard, en août 1944, l’occupation de la capitale n’est plus qu’affaire de jours. Un ami de Sacha, Albert Willemetz, s’inquiète de ses imprudences et le questionne : « Comment es-tu avec Claude Dauphin ? – Ni bien ni mal mais plutôt bien. C’est un charmant garçon que je connais fort peu, mais pourquoi me demandes-tu cela ? – Il fait partie de l’armée Leclerc. »

En effet après avoir vécu en zone libre, fréquentant les studios de Nice avec Marc Allégret (Félicie Nanteuil, 1942), il rallie l’Angleterre en novembre de la même année et s’engage dans les Forces Françaises Libres. Certes Claude Dauphin aurait pu intervenir, aider Sacha à esquiver ce qui lui arriva. Guitry sûr de lui, négligea son interprète tout en évaluant mal le poids de ses quatre ans d’occupations.

Claude Dauphin poursuivit son étonnante carrière. Son jeu acquit une ampleur inattendue qui triompha dans les représentations de Mort d’un commis-voyageur (Arthur Miller, 1965) ou de L’Amante anglaise (Marguerite Duras, 1968). Très demandé à l’écran il détaillait les comédies spirituelles, apparaissait  dans les films à sketches. Hollywood l’accueillit, il tourna de même en Angleterre et en Italie. Ophuls le retint pour Le Plaisir (1951) et Jacques Becker lui fit atteindre le sommet de son art avec l’interprétation du bandit veule et cruel qui détruit le bonheur de Simone Signoret et de Reggiani dans Casque d’Or (1951). Sans doute si Sacha Guitry avait évoqué la Libération, Claude aurait t’il eu un rôle dans Si Paris nous était conté… ! (1955), mais l’auteur s’est bien gardé d’attiser des cendres encore brûlantes.

Il mourut à 75 ans, vingt ans après la disparition de Guitry. Le critique Roger Poirot-Delpech acheva ainsi son hommage : « Rarement le métier consommé aura laissé déborder tant de sensibilité intacte, rarement la gaieté aura trahi tant de chagrin secret que la vie ne soit pas mieux faite et que la mort soit au bout. »  

Raymond Chirat.

FILMOGRAPHIE :

1931 : Faubourg Montmartre (Raymond Bernard, présence non formellement établie). Figuration (Antonin Bideau, CM). La Fortune (Jean Hémard). Mondanités (Jean Hémard, CM). Tout s’arrange (Henri Diamant-Berger). 1932 : Aux urnes, Citoyens ! (Jean Hémard). Clair de lune (Henri Diamant-Berger). Hier et aujourd’hui (Léon Mathot, CM). Paris-Soleil (Jean Hémard). Une jeune fille et un million (Max Neufeld et Fred Ellis). Un homme heureux (Antonin Bideau). 1933 : L’Abbé Constantin (Jean-Paul Paulin). Boubouroche (André Hugon, CM). D’amour et d’eau fraîche (Félix Gandéra). La Fille du régiment (Carl Lamac et Pierre Billon). Pas besoin d’argent (Félix Gandéra). Le Rayon des amours (Edmond T. Gréville, CM). Les Surprises du spleeping (Karl Anton). 1934 : Le Billet de mille (Marc Didier). Dédé (René Guissart). Nous ne sommes plus des enfants (Augusto Genina). Un château de cartes (Jean-Louis Bouquet, CM). Le Voyage imprévu (Jean de Limur). 1935 : Retour au paradis (Serge de Poligny). La Route heureuse (Georges Lacombe). 1936 : Faisons un rêve… (Sacha Guitry). Radio (Maurice Cloche, CM). 1937 : La Fessée (Pierre Caron). Les Perles de la Couronne (Sacha Guitry et Christian-Jaque). 1938 : Conflit (Léonide Moguy). Entrée des artistes (Marc Allégret). 1939 : Battement de cœur (Henri Decoin). Cavalcade d’amour (Raymond Bernard). En correctionnelle (Marcel Aboulker, CM). Le monde tremblera/La Révolte des vivants (Richard Pottier). Paris-New York (Yves Mirande et Georges Lacombe). 1940 : Les Surprises de la radio (Marcel Paul/Marcel Aboulker). 1941 : La Belle Vie (Robert Bibal, CM). Les Deux Timides (Yves Champlain/Yves Allégret). L’Étrange Suzy (Pierre-Jean Ducis). Les Hommes sans peur (Yvan Noé). Les Petits Riens (Raymond Leboursier et Yves Mirande). Une femme dans la nuit (Edmond T. Gréville). Une femme disparaît (Jacques Feyder). 1942 : La Belle Aventure (MarcAllégret). Félicie Nanteuil (Marc Allégret). Promesse à l’inconnue (André Berthomieu). 1943 : The Gentle Sex (Maurice Elvey et Leslie Howard). 1944 : English Without Tears (Harold French). Salut à la France/Salute to France (Jean Renoir, CM). Une mission (CM). 1945 : Cyrano de Bergerac (Fernand Rivers). Dorothée cherche l’amour (Edmond T. Gréville). La Femme coupée en morceaux (Yvan Noé). Nous ne sommes pas mariés (Bernard-Roland). 1946 : Parade du rire/La Parade du rire (Roger Verdier). Paris 1900 (Nicole Védrès, commentaire). Rendez-vous à Paris (Gilles Grangier). Tombé du ciel (Émile Edwin Reinert). 1947 : Croisière pour l’inconnu (Pierre Montazel). L’Éventail (Émile Edwin Reinert). Route sans issue (Jean Stelli). 1948 : Ainsi finit la nuit (Émile Edwin Reinert). Le Bal des Pompiers (André Berthomieu). L’Impeccable Henri (Charles-Félix Tavano). L’Inconnu d’un soir (Hervé Bromberger). Jean de la Lune (Marcel Achard). Van Gogh (Alain Resnais, CM, commentaire). 1949 : La Petite Chocolatière (André Berthomieu). La Renaissance du rail (André Périé et Georges Chaperot, commentaire). 1950 : Deported (Robert Siodmak). 1951 : Casque d’Or (Jacques Becker). Le Plaisir – sk. Le Masque (Max Ophuls). 1952 : Adorables Créatures (Christian-Jaque, commentaire). Avril à Paris/April in Paris (David Butler). Le Duel à travers les âges (Pierre Foucaud, CM, commentaire). Le Petit Garçon perdu/ Little Boy Lost (George Seaton). Week-end à Paris/Innocents in Paris (Gordon Parry). 1953 : Le Fantôme de la rue Morgue/Phantom of the Rue Morgue (Roy Del Ruth). Les 3 Mousquetaires (André Hunebelle, commentaire). 1954 : Boulevards de Paris/Bedevilled (Mitchell Leisen, n’apparaît pas dans les copies actuellement visibles). Les Clandestines (Raoul André). 1955 : Les Mauvaises Rencontres (Alexandre Astruc). 1956 : Mon coquin de père (Georges Lacombe). Paris Palace Hôtel (Henri Verneuil, commentaire). 1957 : Un Américain bien tranquille/The Quiet American (Joseph L. Mankiewicz). 1958 : Passeport pour le monde (Victor Stoloff, commentaire). Pourquoi viens-tu si tard ? (Henri Decoin). 1960 : Le Gant (Vicky Ivernel, CM). Traitement de choc/The Full Treatment (Val Guest). 1961 : La Belle des îles/Tiara Tahiti (Ted Kotcheff). 1962 : Le Diable et les Dix Commandements – sk. Luxurieux point ne seras (Julien Duvivier). 1963 : La Bonne Soupe (Robert Thomas). La Rancune/The Visit (Bernhard Wicki). Symphonie pour un massacre (Jacques Deray). 1964 : Compartiment Tueurs (Costa-Gavras). Lady L/idem (Peter Ustinov). 1965 : Paris brûle-t-il ? (René Clément). 1966 : Grand Prix/idem (John Frankenheimer). Le Tigre sort sans sa mère/Da Berlino l’apocalisse/Heisses Pflaster für Spione (Mario Maffei). Voyage à deux/Two for the Road (Stanley Donen). 1967 : Adolphe ou l’Âge tendre (Bernard Toublanc-Michel). Barbarella (Roger Vadim). Lamiel (Jean Aurel). L’Une et l’Autre (René Allio). 1968 : Comme un éclair (Jules Dassin, commentaire). La Folle de Chaillot/The Madwoman of Chaillot (Bryan Forbes). Hard Contract (S. Lee Pogostin). 1971 : Églantine (Jean-Claude Brialy). 1972 : Au rendez-vous de la Mort joyeuse (Juan Buñuel/Juan Luis Buñuel). Nous voulons les colonels/Vogliamo i colonnelli (Mario Monicelli). La Plus Belle Soirée de ma vie/La più bella serata della mia vita (Ettore Scola). 1974 : L’important c’est d’aimer (Andrzej Zulaswki). Rosebud/idem (Otto Preminger). 1975 : La Course à l’échalote (Claude Zidi). El anacoreta (Juan Estelrich). Le Locataire (Roman Polanski). 1976 : Mado (Claude Sautet). 1977 : Le Point de mire (Jean-Claude Tramont). La Vie devant soi (Moshe Mizrahi). 1978 : Le Pion (Christian Gion).

LIENS VIDÉO :

www.dailymotion.com/video/x2enfb_casque-d-or-le-meurtre-de-leca_shortfilms (extrait de Casque d’Or, Jacques Becker, 1951, avec Serge Reggiani).

www.dailymotion.com/video/x51pfn_claude-dauphin-parle-de-tristan-ber_fun (Tristan Bernard par Claude Dauphin).

© Armel de Lorme & Raymond Chirat