L'@ide-Mémoire

ENCYCLOPÉDIE DU CINÉMA FRANÇAIS

 

 

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Dictionnaire critique
 

 

LA CRISE EST FINIE

1934. PAYS ORIG : France. PR : Seymour Nebenzahl.  : Robert Siodmak. SC & AD : Max Kolpé & (non crédité) Jacques Constant, d’après une nouvelle de Frédéric Kohner & Kurt Siodmak. DIAL : Jacques Constant. IM : Eugène Schuf(f)tan (N&B). CAD : Forster. SON : Willmarth. MUS : Jean Lenoir & Franz Waxman(n). DÉC : René Renoux. COST : Mme Lager. PR : Néro Film. DIST : SAF Paramount. PP : 04/10/1934. DUR : 78 mn.

AVEC : Albert Préjean (Marcel, le pianiste), Danielle Darrieux (Nicole), Suzanne Dehelly (Olga), René Lestelly (René, le ténor), Marcel Carpentier (Émile Bernouillin, le marchand de pianos), Pitouto (Hercule, le régisseur), Paul Velsa (le machiniste), Paul Escoffier (le producteur de la revue), Milly-Mathis (Mme Bouton, la concierge de l’Élysée-Clichy), Jeanne Marie-Laurent (la mère de Nicole), Régine Bar(r)y (Lola Garcin, la vedette de la revue), Jeanne Loury (Mme Bernouillin), Alla Don(n)ell, Wanda Barcella, Yolande Belly, Alina de Silva, Mlle Sherry, Véra Ossipova, Adrienne Trinkel, Andrée Wendler & Ilse Nash (les girls), Albert Malbert (le commissaire), Raymond Blot (un imprésario), Titys (un imprésario), Frank Maurice (un transporteur de pianos), Jacques Beauvais (un maître d’hôtel), Suzy Delair (une chorus girl " chasseresse ").

Parce que l’insupportable prima donna de la troupe, protégée notoire du producteur, a exigé le renvoi immédiat de sa jeune doublure, les choristes et les techniciens d’une revue déshabillée tournant en province, décident de planter l’irascible vedette et de partir tenter leur chance à Paris, où contre toute attente et au terme de mille – enfin, deux ou trois – péripéties, leur nouveau spectacle, monté avec trois francs, six sous, quatre bouts de ficelle et une sens très aigu du système D. constituera un triomphe, permettant du même coup la résurrection du théâtre désaffecté par eux investi puis retapé et scellant au passage les amours naissantes de la petite théâtreuse menacée de renvoi et du pianiste de la revue.

Le cinéma français de l’entre-deux-guerres (et même après) s’est souvent planté lorsqu’il a prétendu rivaliser avec l’entertainement américain. La Crise est finie, insuccès public notoire lors de sa sortie en salles, déroge à la règle, qui évoque sans les singer, les musicals de Busby Berkeley, les moyens en moins mais quelques degrés dans l’efficacité en plus. Le caractère minimaliste du scénario, celui tout aussi improbable de l’histoire, l’aspect mi-invraisemblable, mi-foutraque de l’ensemble, qui prend souvent les allures d’un gigantesque n’importe quoi, tout contribue au charme pérenne et bon enfant (terme souvent galvaudé mais prenant ici tout son sens) d’une œuvre atypique et rythmée d’un bout à l’autre, portée de surcroît par une troupe surinspirée. Albert Préjean – le meilleur partenaire de Darrieux sur cette période – a le charme gouailleur mais pas trop et l’allant canaille exigés par le rôle, l’immense Suzanne Dehelly transforme chacune de ses répliques en morceau d’anthologie filmé, René Lestelly, impeccable et drôle, joue sobrement, sans jamais verser dans la caricature, sa partition de folle virant sa cuti (ou faisant semblant de ) pour les formes généreuses d’une Milly Mathis moins tonitruante – et, partant, plus reposante – qu’à l’ordinaire, Jeanne Loury saupoudre d’humour une maritorne qu’elle parvient, sans beaucoup se forcer, à rendre sympathique, et tandis que le métier éprouvé de la vétérante Jeanne Marie-Laurent lui permet de se tirer avec probité et loin de tout pathos, du rôle un rien casse-gueule en soi de la vieille maman à l’œil humide que lui a imparti la distribution, l’insolite tandem formé par le minuscule Pitouto et le gigantesque mais filiforme Paul Velsa (imaginer au choix Mimie Mathy posée en vrac à côté de Victoria Silvstedt ou Nicolas Sarkozy sans talonnettes face à Dominique de Villepin suspendu à un croc de boucher pour avoir une idée du contraste visuel suscité) ne dépareille pas au milieu d’un chorus line croquigolet et levant haut la jambe, où se faufile discrètement la future Suzy Delair, seize ans à peine… Seul bémol, Danielle Darrieux, filmée comme une poupée japonaise surmaquillée et un peu bouffie, n’a jamais été aussi mal photographiée, sauf peut-être dans l’inutile Nouvelle Chance d’Anne Fontaine, mais comme il lui suffit de se mettre à chanter pour que la magie, elle, se mette à opérer (et par chance, elle chante beaucoup), on ne chicanera pas trop Eugène Schüftan, maître du Noir et Blanc généralement inspiré, d’être incompréhensiblement passé à côté de l’une des plus jolies comédiennes de sa génération… Le film, lui, est, on l’aura compris, une authentique réussite, qui du reste, à l’instar du visage magnifique d’Arielle Dombasle, avant-dernière partenaire féminine en date de Darrieux au grand écran, n’a objectivement pas pris une ride depuis sa première (et déjà ancienne) sortie publique. Mais pas exactement pour les mêmes raisons…

Lien

Albert Préjean célébrant la sortie de crise (heureux homme…) par le biais du 78 tours:

www.youtube.com/watch?v=pAEYUKaGasg

© Armel de Lorme