L'@ide-Mémoire

ENCYCLOPÉDIE DU CINÉMA FRANÇAIS

 

 

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Dictionnaire critique
 

 

NAPLES AU BAISER DE FEU

1937. PAYS ORIG : France. PR : Robert Hakim & Raymond Hakim. RÉ : Augusto Genina. SC & AD : Henri Jeanson, Marcel Achard & Ernesto Grassi, d’après le roman éponyme d’Auguste Bailly. DIAL : Henri Jeanson. IM : Robert Le Febvre (N&B). SON : William[-Robert] Sivel (Procédé sonore Western Electric). MUS : Vincent Scotto. DIR MUS : Louis Wyns. ÉD MUS : Éditions Salabert. MONT : Louisette Hautecœur. DÉC : Guy de Gastyne. RÉG GÉN : Metchikian. DIR PR : André Gargour. PR : Paris Film Production. DIST : Paris Film Location. STU : Studios Nicaia Film à Saint-Laurent-du-Var. EXT : Côte d’Azur. TIR : Copie Cinéma Tirage L. Maurice. PP : 07/12/1937. DUR : 92 mn.
AVEC : Tino Rossi (Mario Esposito), Michel Simon (Michel), Mireille Balin (Assunta), Marcel Dalio (le photographe), Viviane Romance (Lolita), Jeanne Loury (Tante Thérésa), Joë Alix [= Joë Alex] (le soutier noir), Marcel B(e)auçay (Francesco, l’écailler), Léda Ginelly (Sylvia), Marie-José (une cousette), Lucien Callamand (le dîneur au restaurant), Georges Térof (le vendeur de tomates), Jean-François Martial (l’admirateur de Lolita).

Pour beaucoup de monde en général et pour l’auteur de ces lignes en particulier, Tino Rossi (1907-1983) constitue une sorte de parangon du cinéma populaire des années 30, 40 et après dans ce qu’il peut comporter de plus délicieusement (ou pas) roucoulé et de plus impitoyablement ringard : photogénie à géométrie variable, jeu approximatif, absence totale d’intelligence du texte, voix chantée rétroactivement insupportable… D’où vient dès lors ce miracle d’intelligence, de précision et de beauté redécouvert il y a quelque jour grâce à Patrick Brion ? Naples au baiser de feu (Augusto Genina, 1937) est tout cela, et même un peu plus encore, qui doit certes beaucoup à la confrontation de deux des actrices les plus sulfureuses de leur génération, Mireille Balin et Viviane Romance, à peu près autant aux présences conjointes, de Michel Simon exécutant sa partition en un subtil mélange de truculence et sobriété, de Jeanne Loury et de Dalio, redoutables d’efficacité, et sans doute plus encore à la réelle intelligence de Genina cinéaste, jouant d’un bout à l’autre la carte de la simplicité.

L’intrigue elle-même tient en une quinzaine de lignes : fraîchement débarquée d’un paquebot en provenance d’Amérique du Sud et recueillie le jour même de son arrivée à Naples par un brave type, la pulpeuse Lolita met rapidement le grappin sur le meilleur ami de ce dernier, jeune chanteur de charme, fiancé à la nièce bien dotée d’une patronne de trattoria. Plantant sa fiancée le jour même du mariage, le garçon (Mario) part tenter sa chance ailleurs avec sa maîtresse. Elle, ayant eu ce qu’elle voulait, c’est-à-dire le garçon qui lui résistait, se met dès lors à aguicher indistinctement tout ce (tous ceux ?) qui, autour d’elle, porte(nt) une culotte. Michel, celui qui l’avait recueillie, finit par retrouver le couple et dévoile auprès de son ancien meilleur ami la véritable personnalité de Lolita. Le drame annoncé, c’est là peut-être le véritable point fort du film, n’aura pas lieu : les frères de sang ne se battront pas pour la belle briseuse de cœurs, qu’on laissera repartir – avec un photographe bien embarrassé du cadeau – comme elle était venue, Mario retournera sagement auprès de son ancienne fiancée, Michel se réjouira du bonheur du couple et tout indique que Lolita continuera comme par le passé à papillonner de bonne poire en bonne poire. Rien de plus, rien de moins : à l’arrivée, Naples au baiser de feu n’est ni une comédie, ni un drame, plutôt, au choix, un mélodrame gai ou une comédie douce-amère, où la tendresse finit par prendre le pas, sans mièvrerie ni ostentation, sur le cynisme et l’amertume. Fort d’un casting réunissant, devant et hors caméra, quelques-unes des plus grosses du pointure du moment (un chanteur à succès encore filmable, deux mythes naissants du cinéma français de la seconde moitié des années 30, Jeanson aux dialogues et Vincent Scotto à la partition musicale), disposant, on l’aura compris, de sacrés atouts dans son jeu (ce qui est bien) et les balançant judicieusement sur le tapis (ce qui est mieux), Genina n’a pas besoin d’en rajouter, dont la mise en scène est bien, in fine, à l’image même du scénario : fluide et lucide, précise et épurée. Un chef-d’œuvre ? Peut-être pas (encore que…). Une leçon de cinéma ? Assurément.

LIEN VIDÉO (pour les plus courageux) :

www.youtube.com/watch?v=jS5C03B57ZQ (Faute d’images, la chanson culte du film. Âmes et oreilles sensibles s’abstenir).

© Armel de Lorme