AVEC :
Tino Rossi (Mario Esposito), Michel Simon (Michel), Mireille Balin
(Assunta), Marcel Dalio (le photographe), Viviane Romance (Lolita),
Jeanne Loury (Tante Thérésa), Joë Alix [= Joë Alex] (le soutier
noir), Marcel B(e)auçay (Francesco, l’écailler), Léda Ginelly
(Sylvia), Marie-José (une cousette), Lucien Callamand (le dîneur
au restaurant), Georges Térof (le vendeur de tomates),
Jean-François Martial (l’admirateur de Lolita). |
P our
beaucoup de monde en général et pour l’auteur de ces lignes en
particulier, Tino Rossi (1907-1983) constitue une sorte de parangon
du cinéma populaire des années 30, 40 et après dans ce qu’il
peut comporter de plus délicieusement (ou pas) roucoulé et de
plus impitoyablement ringard : photogénie à géométrie
variable, jeu approximatif, absence totale d’intelligence du
texte, voix chantée rétroactivement insupportable… D’où vient
dès lors ce miracle d’intelligence, de précision et de beauté
redécouvert il y a quelque jour grâce à Patrick Brion ? Naples
au baiser de feu (Augusto Genina, 1937) est tout cela, et même
un peu plus encore, qui doit certes beaucoup à la confrontation de
deux des actrices les plus sulfureuses de leur génération,
Mireille Balin et Viviane Romance, à peu près autant aux
présences conjointes, de Michel Simon exécutant sa partition en un
subtil mélange de truculence et sobriété, de Jeanne Loury et de
Dalio, redoutables d’efficacité, et sans doute plus encore à la
réelle intelligence de Genina cinéaste, jouant d’un bout
à l’autre la carte de la simplicité.
L’intrigue
elle-même tient en une quinzaine de lignes : fraîchement
débarquée d’un paquebot en provenance d’Amérique du Sud et
recueillie le jour même de son arrivée à Naples par un brave
type, la pulpeuse Lolita met rapidement le grappin sur le meilleur
ami de ce dernier, jeune chanteur de charme, fiancé à la nièce
bien dotée d’une patronne de trattoria. Plantant sa fiancée le
jour même du mariage, le garçon (Mario) part tenter sa chance
ailleurs avec sa maîtresse. Elle, ayant eu ce qu’elle voulait, c’est-à-dire
le garçon qui lui résistait, se met dès lors à aguicher
indistinctement tout ce (tous ceux ?) qui, autour d’elle,
porte(nt) une culotte. Michel, celui qui l’avait recueillie, finit
par retrouver le couple et dévoile auprès de son ancien meilleur
ami la véritable personnalité de Lolita. Le drame annoncé, c’est
là peut-être le véritable point fort du film, n’aura pas
lieu : les frères de sang ne se battront pas pour la belle
briseuse de cœurs, qu’on laissera repartir – avec un
photographe bien embarrassé du cadeau – comme elle était venue,
Mario retournera sagement auprès de son ancienne fiancée, Michel
se réjouira du bonheur du couple et tout indique que Lolita
continuera comme par le passé à papillonner de bonne poire en
bonne poire. Rien de plus, rien de moins : à l’arrivée, Naples
au baiser de feu n’est ni une comédie, ni un drame, plutôt,
au choix, un mélodrame gai ou une comédie douce-amère, où la
tendresse finit par prendre le pas, sans mièvrerie ni ostentation,
sur le cynisme et l’amertume. Fort d’un casting réunissant,
devant et hors caméra, quelques-unes des plus grosses du pointure
du moment (un chanteur à succès encore filmable, deux mythes
naissants du cinéma français de la seconde moitié des années 30,
Jeanson aux dialogues et Vincent Scotto à la partition musicale),
disposant, on l’aura compris, de sacrés atouts dans son jeu (ce
qui est bien) et les balançant judicieusement sur le tapis (ce qui
est mieux), Genina n’a pas besoin d’en rajouter, dont la mise en
scène est bien, in fine, à l’image même du
scénario : fluide et lucide, précise et épurée. Un chef-d’œuvre ?
Peut-être pas (encore que…). Une leçon de cinéma ?
Assurément. |