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LE SILENCE EST D'OR |
ANNÉE
PR : 1946. PAYS
ORIG : France. PR DÉL : Adrien Remaugé. RÉ :
René Clair. SC, AD & DIAL : René Clair. IM :
Armand Thirard (N&B). CAD : Alain Douarinou. SON :
Antoine Archimbaud (Système sonore RCA). MUS : Georges Van
Parys. MONT : Louisette Hautecœur & (non crédité)
Henri Taverna. DÉC : Léon Barsacq & (non crédité) Guy
de Gastyne, assistés de André Bakst & Robert Clavel. COST :
René Decrais. ROBES : Christian Dior. ASS RÉ :
Pierre Blondy. RÉG GÉN : Georges Charlot. RÉG ENS :
Maurice Barnathan. DIR PR : É. Lepage. ADM PR :
André Deroual. PR : Pathé. DIST : Pathé Consortium
Cinéma. STU : Studios Pathé- Cinéma, rue Francœur. TIR
: Laboratoires Pathé-Cinéma. PP : 21/05/1947. DUR :
100 mn. VISA : 5.487 (08/05/1947). |

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AVEC
: Maurice Chevalier (Émile
Clément), François Périer (Jacques) Marcelle Derrien (Madeleine
Célestin), Dany Robin (Lucette), Christiane Sertilange (Marinette),
Roland Armontel (Octave Célestin), Raymond Cordy (Le Frisé), Paul
Demange (le sultan de Socotora), Max Dalban (Cricri), Jean Daurand
(Alfred), Bernard Lajarrige (Paulo), Gaston Modot (Gustave, l’opérateur),
Paul Ollivier (M. Joseph, le comptable), Robert Pizani (M.
Duperrier, le commanditaire), Maud Lamy (la dame de l’omnibus),
Yvonne Yma (la concierge), Zélie Yzelle (la bouquetière), Jane
Pierson (la bonne), Cécile Didier (l’habilleuse), Mlle Ribour (la
danseuse), Danielle Godet (une spectatrice), Georges Bever (le
ministre), Pierre Duncan (le vizir), Paul Faivre (le cocher),
Fernand Gilbert (l’ami), Philippe Olive (l’agent), Marcel
Charvey (l’aboyeur), Jean Sylvain (le passant), Charles Lavialle
(le guitariste), Robert Berri (le dragueur), Tristan Sévère (le
joueur), Léon Pauléon (le gros danseur), Albert Broquin, Édouard
Francomme & Frédéric Mariotti (les machinistes), Jean Berton
& Harry-Max (deux spectateurs), Robert Balpo, Fernand Blot,
Maurice Derville, Colette Georges, Jean-Jacques Lécot, Simone
Michels, René Pascal, Nicole Riche, Victor Vina, Eugène Yvernès. |
On
connaît le postulat initial (double) de René Clair en mettant en
chantier Le silence est d’or, douze ans exactement après
le tournage de son précédent film français (raté), Le Dernier
Milliardaire. D’une part, transposer sur un mode contemporain,
ou à peu près, L’École des femmes, avec Raimu dans le
rôle d’Arnolphe. De l’autre, rendre hommage aux balbutiements d’un
art dont il avait été, pas dans une autre vie mais presque, l’un
des maîtres-artisans les plus imaginatifs sinon les plus
régulièrement inspirés. Cette recherche du temps perdu propre à
quasiment toute l’œuvre cinématographique de Clair semble
trouver ici son point d’orgue, à l’exact croisement de l’histoire
d’un réalisateur nostalgique par essence (Clair) et d’un
cinéaste (Émile Clément) en quête de sa jeunesse perdue et de
ses amours mortes-ressuscitées : c’est qu’Émile, s’il
professe à qui veut l’entendre que les femmes ne valent
globalement rien et qu’il suffit, pour être heureux, de prendre
le plaisir où il se trouve, voit ses convictions vaciller le jour
même où il s’éprend de la fille que la seule femme qu’il ait
jamais aimée s’est fait faire par un autre. Or, la jeune femme
aime, et est aimée, du " fils adoptif " d’Émile,
devenu du jour au lendemain le rival de son
" père ", Pygmalion et meilleur ami à la fois.
Comme chez Clair, la nostalgie est, souvent, teintée d’humanité
et d’élégance, la jeunesse ira à la jeunesse et Émile, guéri
de son démon de midi, retournera à ses deux centres d’intérêt :
la réalisation et la conquête de proies faciles à séduire. C’est
dans ce entrelacs savamment tissé de nostalgie et de légèreté
que réside probablement le charme persistant de cette œuvre à
deux doigts de la pleine réussite, et dont les qualités (bien
réelles) font oublier les défauts (nombreux). Au passif, l’absence
de charisme et le jeu ras des pâquerettes de François Périer –
là où il aurait fallu Gérard Philipe – et les insuffisances
tant physiques que dramatiques de Marcelle Derrien, là où Maria
Mauban, autre produit-maison de l’écurie Pathé s’imposait
assurément, ce allié à un manque de rythme flagrant par moments
et au fait, plus préjudiciable encore, que les neuf dixièmes des
gags imaginés par Clair retombent assez lamentablement comme autant
de soufflés : il y a beaucoup de choses faussement drôles
dans ce film se voulant une comédie. Pourtant, le charme
opère, lié en grande partie au regard élégamment mouillé
promené d’un bout à l’autre par un cinéaste de cinquante ans
sur ce qui n’est et ne sera plus, à l’immense tenue (le
privilège des grands !) avec laquelle sont traitées les
séquences dramatiques, à l’utilisation éminemment judicieuse
des rengaines 1900 ponctuant le film du début à la fin, à la
troupe de comparses enfin s’agitant discrètement autour du trio
de tête. Robert Pizani, cocu souriant, Paul Ollivier, comptable
gâteux, Paul Demange, sultan survolté, Armontel, cabot minable,
Dany Robin, délicieuse greluche aux dents longues, Jane Pierson,
bonniche rugueuse à l’œil humide, Zélie Yzelle, bouquetière
saisissante d’humanité, ne le cèdent en rien au chœur des
techniciens et des machinos, mené tambour battant par un transfuge
du burlesque 1910 blanchi sour le harnais, le Gaston Modot du Conte
cruel, de L’Âge d’or et de La Règle du jeu,
mais aussi des Calino et des Onésime, ce qui n’est
peut-être pas anodin en soi. Chevalier, provisoirement débarrassé
de son parigotisme crispant, de ses tics de jeu et des grimaces qui
firent sa gloire, atteint sans en avoir l’air au sublime en même
temps qu’il décroche le meilleur rôle d’une carrière ayant,
à l’écran du moins, souvent flirté avec le pire, et se taille
de facto la part du lion dans un rôle pourtant prévu pour son
exact contraire (Raimu, il faut bien le rappeler). Si à l’arrivée,
malgré ses évidentes qualités, Le silence est d’or ne
relève pas tout à fait du parfait sans faute, ce n’est
peut-être pas plus mal : aussi vrai que c’est – presque
toujours – les défauts des êtres qui nous attachent à eux,
pourquoi n’en irait-il pas de même pour les films ? Du
moins, de temps à autre… |
Lien
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