Disparition à l’âge de 87 ans de Denise Gence, sociétaire
honoraire de la Comédie-Française et comédienne moitié-magnifique,
moitié-unique en son genre, dont la plus belle histoire d’amour
fut censément le théâtre, mais qui laissera de toute évidence un
souvenir pérenne auprès de plusieurs générations de cinéphiles
et téléphiles. Abonnée, dès son entrée au Français en 1946
(elle y restera quarante ans), aux vieilles filles, duègnes,
viragos, gorgones, harpies et mégères de tout poil, ce qui est assez
exceptionnel en soi dans le cas d’une actrice de 22 ans, Denise
Gence avait trouvé, dès la décennie suivante, un prolongement de
son emploi-type à l’écran, petit ou grand. « Chouette »
inquiétante et ignoble de la première adaptation télé des Mystères
de Paris (Marcel Cravenne, 1961), Julie Tison rugueuse et pathétique
du Chevalier de Maison Rouge (Claude Barma, 1962) et de sa version cinéma
distribuée dans la foulée, elle endossa par la suite avec humour
et probité les mères fouettardes et les petites bourgeoises
obtuses nées, un siècle auparavant, sous la plume de la comtesse
de Ségur, grande sadique devant l’Éternel s’il en fut, se
parant pêle-mêle – dans les trois cas pour le mythique Théâtre
de la Jeunesse – du knout et des vertugadins de Mme Papofski (Le
Général Dourakine, Yves-André Hubert, 1963), du réticule bon
genre et des rubans froufroutants de Mme Delmis (La
Sœur de Gribouille, Yves-André Hubert, 1964), de cravache
cinglante et du violon grinçant de Mme Bonbeck (Les
Deux Nigauds, René Lucot, 1966), créatures plus expertes les
unes que les autres dans l’art et la manière de faire marcher à
la baguette, d’un seul et même mouvement, chiens, chats, enfants,
domestiques ou quiconque ayant eu la malchance insigne de tomber
sous leur coupe.
Le cinéma, quant à lui, l’utilise avec parcimonie, mais
intelligence et à-propos, où elle impose d’emblée un mélange
unique d’autorité et de truculence, de faconde et de violence
sourde. En témoigneront, parmi dix ou douze créations toutes
redoutables d’efficacité, la bonne indiscrète de Pot-Bouille
(Julien Duvivier, 1957) et la gouvernante aigrie mais dévouée
(trop) de Chaque jour à son secret (Claude Boissol, id.), plus tard la Thénardière
aux marmots morveux de l’incisif Chobizenesse (Jean Yanne, 1975) et l’inquiétante châtelaine,
impavide et foldingue, de Buffet
froid (Bertrand Blier, 1979). Ses filmographies cinéma et télé
sont ci-dessous, l’hommage circonstancié en ligne rendu par
« Scène Web » dès l’annonce de sa disparition est là,
auquel ne manque guère, pour faire bon poids bonne mesure – mais
comment citer aussi toutes les pièces qu’elle a créées ou
reprises ? –, que la mention de sa participation, aux côtés
de Maria Casarès, à l’Oreste
de Vittorio Alfieri (Maison des Arts et de la Culture de Créteil,
1992), où toutes deux composaient un duo saisissant d’Euménides.
ADL
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LIENS
VIDÉO
:
www.ina.fr/art-et-culture/litterature/video/CPF86640146/la-soeur-de-gribouille-2eme-et-derniere-partie.fr.html :
La Sœur de Gribouille (Yves-André Hubert, avec René Dary,
Catherine Hubeau et Dominique Maurin, 1964).
www.youtube.com/watch?v=wyWm8S5ERUU (Tartuffe,
Pierre Badel, avec François Beaulieu, Denise Pezzani, Catherine
Salviat, Françoise Seigner, Jacques Toja et Claude Winter, 1974).
www.ina.fr/art-et-culture/arts-du-spectacle/video/CPC86007385/denise-gence-les-plus-beaux-cris-du-monde.fr.html :
Tous en scène du 28 avril 1986 interview et extraits de représentations
d'Un chapeau de paille d'Italie d'Eugène Labiche à la
Comédie-Française, réalisation de Georges Paumier pour France
Régions 3).
www.ina.fr/playlist/sport/nouveau-roman.254195.CAC92055513.non.fr.html#containerVideo (Oh,
les beaux jours, de Samuel Beckett, 1992).
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