Née Olga Colette Peszynsky à Paris en octobre 1917, la future Mila
Parely interrompt très jeune ses études de médecine pour
effectuer des débuts remarqués sur les planches bruxelloises, et
s’est déjà fait connaître en tant que chanteuse de
l’orchestre de Rudy Vallée lorsque Pierre Chenal lui offre son
premier véritable rôle à l’écran, celui de la femme de chambre
du Martyre de l’obèse
(1932). L’année suivante, parée d’une coiffure blonde à la
Caracalla et affublée d’ailes en plumes de cygne, elle est, sous
la direction de l’éternel exilé Fritz Lang, l’ange
dactylographe de Liliom
(1933), avant d’aller se fondre dans le tout-venant des
coproductions franco-allemandes du moment, ce qui lui permet
d’assister un peu par hasard – elle n’en était pas peu fière
avec le recul des années – à l’incendie du Reichstag. Ensuite,
ce sont le départ pour les États-Unis, une microcarrière
hollywoodienne qui ne laissera guère plus de traces dans les
annales que celles entreprises à la même époque par Jeanne Aubert
ou Katia Lova, puis le retour en France, et aussi en Allemagne, où
l’attendent d’autres rencontres : Grémillon (Valse
royale, 1935), Siodmak (Mister
Flow, 1936), Pabst (Le
Drame de Shangaï, 1938), Renoir (La
Règle du jeu, 1939), Duvivier (La
Charrette fantôme, 1939), mais aussi Christian-Jaque (Le
Grand Élan, 1939) et Georges Lacombe (Elles
étaient 12 femmes, 1940), qui tirent le meilleur parti de sa
fantaisie innée, Jean Boyer (Circonstances
atténuantes, 1939), qui l’impose sous un jour inquiétant,
Marc Sorkin (L’Esclave blanche, id.) qui révèle la grande sensibilité de son
jeu et la gravité dont elle sait faire montre lorsque les
circonstances l’exigent.
Et puis Guitry, surtout, qui la choisit pour remplacer Arletty au
pied levé à la veille du tournage de Remontons
les Champs-Élysées dans un double rôle 1.
Tricoteuse sous la Révolution, servante et maîtresse à la fois de
Marat-René Fauchois, elle crève les yeux – et crève
pareillement l’écran – au trop naïf Ludovic, dont elle envoie
ensuite la mère et le beau-père à la guillotine, avant de réapparaître
dans le personnage bien plus charmant – mais fondamentalement
aussi cruel – de la fille de Marat et de la tricoteuse évoquée
plus haut, épousant le même Ludovic après qu’il a fait sa conquête,
puis terminant, devenue veuve, ses jours dans un couvent « où,
seule manifestation de sa très lourde hérédité, elle n’avait
pas pas son pareil pour allumer les feux, pour saigner les cochons
et pour couper le cou des volailles. » Guitry, conquis lui
aussi, la réengage peu après pour reprendre, là encore à la
dernière minute, le rôle de l’androgyne Camille Duplessis d’Un
monde fou 2 (Théâtre de la Madeleine, 1938) laissé
vacant par le départ inopiné mais prévisible de Jacqueline
Delubac. Il la rappellera encore, aux pires heures de
l’Occupation, pour la capricieuse Floriane de Donne-moi
tes yeux (1943), modèle teigneux et pétardier exigeant du
peintre qui a figé sa nudité dans une Léda
au cygne du meilleur effet qu’il lui rajoute quelques vêtements
afin de calmer l’irritation de son ami sérieux. C’est l’année
– faste – des Roquevillard
(Jean Dréville, 1943) et, surtout, des Anges
du péché (Robert Bresson, id.), chef-d’œuvre authentique
mais mauvais souvenir pour l’actrice. Au réalisateur rigide des Dames du bois de Boulogne, qu’elle n’évoquait qu’à contrecœur,
où à Marcel L’Herbier, dont il valait mieux ne pas lui parler du
tout, Mila préférait de très loin, et pour cause, l’amical
metteur en scène de La Belle
et la Bête (Jean Cocteau, 1945), qui n’avait pas son pareil
pour raconter à qui voulait l’entendre vouloir adopter le premier
enfant que son beau Jeannot ferait – pour peu qu’il y parvienne
– à sa ravissante partenaire et amie. Faute de jouer les nounous
comme il l’aurait souhaité, Cocteau distribuera à Mila la plus méchante
et la plus vaniteuse des deux méchantes et vaniteuses sœurs de la
Belle Josette Day, ce qui lui permettra au passage de redonner, pour
la seconde et dernière fois, la réplique à son ancien partenaire
du Lit à colonnes (Roland
Tual, 1942), auquel devait l’unir, jusqu’à la disparition de ce
dernier, et peut-être même après, une indéfectible amitié
amoureuse et une complicité de chaque instant.
Au début de la décennie suivante, Max Ophuls sort de son écrin
l’Orientale Raphaèle imaginée par l’ami Maupassant, et offre
le bijou à Mila dont la beauté et le mystère s’inscrivent à
tout jamais dans l’auberge normande et les salons galants de la
Maison Tellier (Le Plaisir,
1951). C’est, vers la même époque, la rencontre décisive avec
le coureur automobile Tasso Mathieson, qu’elle épousera peu après
et qui restera à ses yeux l’unique, le grand amour d’une vie
pourtant bien remplie. Son, mari victime d’un grave accident, elle
le suit dans sa convalescence portugaise, et pour ce faire choisit
de mettre prématurément fin à sa carrière, à 34 ans à peine.
Deux de moins que Garbo au moment de ses adieux aux studios. Ceux de
Mila, pourtant, ne furent pas irréversibles : on la revit
fugitivement chez Terence Fisher d’abord, beaucoup plus tard chez
Daniel Vigne, et même, par intermittence, à la télévision (La
Grande Dune, Bernard Stora, 1991). Tombée amoureuse du kiosque
à musique de Vichy, où, petite fille, elle passait ses vacances,
elle a fini par y établir ses quartiers à l’année, pour le plus
grand regret des cinéphiles, obnubilés par l’image et le mystère
de cette féline aux yeux de braise, dont on ne sait toujours pas,
au fond, si elle était chatte siamoise, léopard d’Afrique ou
panthère royale d’Insulinde. ADL
1.
C’est la scripte Jeanne Étiévent qui, ayant repéré Mila Parely
sur les planches, souffla son nom à Sacha.
2.
La pièce, largement remaniée, deviendra Une
folie en 1951, Lana Marconi se substituant à Elvire Popesco
dans le principal rôle féminin.
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LIENS
VIDÉO
:
www.youtube.com/watch?v=gv9z8ZiwGr8&feature=related
(La Règle du jeu, Jean
Renoir, 1939, avec Marcel Dalio, Nora Grégor, Roland Toutain, Jean
Renoir, Paulette Dubost, Lise Élina, Pierre Nay, Géo Forster et les
autres…).
www.youtube.com/watch?v=vM-4y1chyAw
(Rêves d’amour, Christian
Stengel, 1946, avec Pierre Richard-Willm, Jules Berry et Annie
Ducaux).
www.dailymotion.com/video/x1vrov_le-premier-audiard_shortfilms
(Mission à Tanger, André
Hunebelle, 1949, avec Raymond Rouleau, Louis de Funès et Christian
Bertola).
www.youtube.com/watch?v=2itBYA1XplA
(Le Plaisir : La Maison
Tellier, 1951, avec Jean Gabin, Madeleine Renaud, Danielle
Darrieux, Paulette Dubost, Ginette Leclerc, Héléna Manson, Mathilde
Casadesus et Jocelyne Jany).
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