L'@ide-Mémoire

ENCYCLOPÉDIE DU CINÉMA FRANÇAIS

 

 

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Hommages
 

 

Mila Parely

Étoile avec lumière

Véritable nom : Olga Colette Peszynsky.

Née à Paris le 7 octobre 1917.

Décédée à Vichy (Allier) le 14 janvier 2012.

Née Olga Colette Peszynsky à Paris en octobre 1917, la future Mila Parely interrompt très jeune ses études de médecine pour effectuer des débuts remarqués sur les planches bruxelloises, et s’est déjà fait connaître en tant que chanteuse de l’orchestre de Rudy Vallée lorsque Pierre Chenal lui offre son premier véritable rôle à l’écran, celui de la femme de chambre du Martyre de l’obèse (1932). L’année suivante, parée d’une coiffure blonde à la Caracalla et affublée d’ailes en plumes de cygne, elle est, sous la direction de l’éternel exilé Fritz Lang, l’ange dactylographe de Liliom (1933), avant d’aller se fondre dans le tout-venant des coproductions franco-allemandes du moment, ce qui lui permet d’assister un peu par hasard – elle n’en était pas peu fière avec le recul des années – à l’incendie du Reichstag. Ensuite, ce sont le départ pour les États-Unis, une microcarrière hollywoodienne qui ne laissera guère plus de traces dans les annales que celles entreprises à la même époque par Jeanne Aubert ou Katia Lova, puis le retour en France, et aussi en Allemagne, où l’attendent d’autres rencontres : Grémillon (Valse royale, 1935), Siodmak (Mister Flow, 1936), Pabst (Le Drame de Shangaï, 1938), Renoir (La Règle du jeu, 1939), Duvivier (La Charrette fantôme, 1939), mais aussi Christian-Jaque (Le Grand Élan, 1939) et Georges Lacombe (Elles étaient 12 femmes, 1940), qui tirent le meilleur parti de sa fantaisie innée, Jean Boyer (Circonstances atténuantes, 1939), qui l’impose sous un jour inquiétant, Marc Sorkin (L’Esclave blanche, id.) qui révèle la grande sensibilité de son jeu et la gravité dont elle sait faire montre lorsque les circonstances l’exigent.

Et puis Guitry, surtout, qui la choisit pour remplacer Arletty au pied levé à la veille du tournage de Remontons les Champs-Élysées dans un double rôle 1. Tricoteuse sous la Révolution, servante et maîtresse à la fois de Marat-René Fauchois, elle crève les yeux – et crève pareillement l’écran – au trop naïf Ludovic, dont elle envoie ensuite la mère et le beau-père à la guillotine, avant de réapparaître dans le personnage bien plus charmant – mais fondamentalement aussi cruel – de la fille de Marat et de la tricoteuse évoquée plus haut, épousant le même Ludovic après qu’il a fait sa conquête, puis terminant, devenue veuve, ses jours dans un couvent « où, seule manifestation de sa très lourde hérédité, elle n’avait pas pas son pareil pour allumer les feux, pour saigner les cochons et pour couper le cou des volailles. » Guitry, conquis lui aussi, la réengage peu après pour reprendre, là encore à la dernière minute, le rôle de l’androgyne Camille Duplessis d’Un monde fou 2 (Théâtre de la Madeleine, 1938) laissé vacant par le départ inopiné mais prévisible de Jacqueline Delubac. Il la rappellera encore, aux pires heures de l’Occupation, pour la capricieuse Floriane de Donne-moi tes yeux (1943), modèle teigneux et pétardier exigeant du peintre qui a figé sa nudité dans une Léda au cygne du meilleur effet qu’il lui rajoute quelques vêtements afin de calmer l’irritation de son ami sérieux. C’est l’année – faste – des Roquevillard (Jean Dréville, 1943) et, surtout, des Anges du péché (Robert Bresson, id.), chef-d’œuvre authentique mais mauvais souvenir pour l’actrice. Au réalisateur rigide des Dames du bois de Boulogne, qu’elle n’évoquait qu’à contrecœur, où à Marcel L’Herbier, dont il valait mieux ne pas lui parler du tout, Mila préférait de très loin, et pour cause, l’amical metteur en scène de La Belle et la Bête (Jean Cocteau, 1945), qui n’avait pas son pareil pour raconter à qui voulait l’entendre vouloir adopter le premier enfant que son beau Jeannot ferait – pour peu qu’il y parvienne – à sa ravissante partenaire et amie. Faute de jouer les nounous comme il l’aurait souhaité, Cocteau distribuera à Mila la plus méchante et la plus vaniteuse des deux méchantes et vaniteuses sœurs de la Belle Josette Day, ce qui lui permettra au passage de redonner, pour la seconde et dernière fois, la réplique à son ancien partenaire du Lit à colonnes (Roland Tual, 1942), auquel devait l’unir, jusqu’à la disparition de ce dernier, et peut-être même après, une indéfectible amitié amoureuse et une complicité de chaque instant.

Au début de la décennie suivante, Max Ophuls sort de son écrin l’Orientale Raphaèle imaginée par l’ami Maupassant, et offre le bijou à Mila dont la beauté et le mystère s’inscrivent à tout jamais dans l’auberge normande et les salons galants de la Maison Tellier (Le Plaisir, 1951). C’est, vers la même époque, la rencontre décisive avec le coureur automobile Tasso Mathieson, qu’elle épousera peu après et qui restera à ses yeux l’unique, le grand amour d’une vie pourtant bien remplie. Son, mari victime d’un grave accident, elle le suit dans sa convalescence portugaise, et pour ce faire choisit de mettre prématurément fin à sa carrière, à 34 ans à peine. Deux de moins que Garbo au moment de ses adieux aux studios. Ceux de Mila, pourtant, ne furent pas irréversibles : on la revit fugitivement chez Terence Fisher d’abord, beaucoup plus tard chez Daniel Vigne, et même, par intermittence, à la télévision (La Grande Dune, Bernard Stora, 1991). Tombée amoureuse du kiosque à musique de Vichy, où, petite fille, elle passait ses vacances, elle a fini par y établir ses quartiers à l’année, pour le plus grand regret des cinéphiles, obnubilés par l’image et le mystère de cette féline aux yeux de braise, dont on ne sait toujours pas, au fond, si elle était chatte siamoise, léopard d’Afrique ou panthère royale d’Insulinde. ADL

1. C’est la scripte Jeanne Étiévent qui, ayant repéré Mila Parely sur les planches, souffla son nom à Sacha.

2. La pièce, largement remaniée, deviendra Une folie en 1951, Lana Marconi se substituant à Elvire Popesco dans le principal rôle féminin.

De gauche à droite, photos extraites de: Liliom (Fritz Lang, 1933), Remontons les Champs-Élysées (Sacha Guitry et Robert Bibal, 1938), La Règle du jeu (Jean Renoir, 1939).

FILMOGRAPHIE CINÉMA :

1932 : Baby (Carl Lamac et Pierre Billon). Le Martyre de l’obèse (Pierre Chenal). Vive le sport (CM). 1933 : L’Amour qu’il faut aux femmes (Adolphe Trotz/Adolf Trotz). Liliom (Fritz Lang). 1934 : Cartouche (Jacques Daroy). Folies-Bergère (Roy Del Ruth). On a trouvé une femme nue (Léo Joannon). 1935 : Calling All Stars (Herbert Smith). Donogoo (Reinhold Schünzel et Henri Chomette). La Petite Sauvage (Jean de Limur). Valse royale (Jean Grémillon). 1936 : Les Jumeaux de Brighton (Claude Heymann). Mister Flow (Robert Siodmak). Les Pattes de mouche (Jean Grémillon). 1937 : Le Monsieur de 5 heures (Pierre Caron). La Tragédie impériale (Marcel L’Herbier). 1938 : Le Drame de Shangaï (Georg Wilhelm Pabst). L’Esclave blanche (Marc Sorkin et Georg Wilhelm Pabst). Remontons les Champs-Élysées (Sacha Guitry et Robert Bibal). La Rue sans joie (André Hugon). Une java (Claude Orval). 1939 : La Charrette fantôme (Julien Duvivier). Circonstances atténuantes (Jean Boyer). Dernier Refuge (Jacques Constant, inachevé). Le Grand Élan (Christian-Jaque). La Règle du jeu (Jean Renoir). 1940 : Elles étaient 12 femmes (Georges Lacombe). L’Empreinte du dieu (Léonide Moguy). 1942 : À la Belle Frégate (Albert Valentin). Cap au large (Jean-Paul Paulin). Le Camion blanc (Léo Joannon). Le Lit à colonnes (Roland Tual). Monsieur des Lourdines (Pierre de Hérain). 1943 : Les Anges du péché (Robert Bresson). Les Roquevillard (Jean Dréville). Tornavara (Jean Dréville). 1944 : Le Cavalier noir (Gilles Grangier). 1945 : La Belle et la Bête (Jean Cocteau et René Clément). Étoile sans lumière (Marcel Blistène). Jeux de femmes (Maurice Cloche). Le Père Serge (Lucien Ganier-Raymond). 1946 : Dernier Refuge (Marc Maurette). Destins (Richard Pottier). Rêves d’amour (Christian Stengel). 1947 : Snowbound (David MacDonald). 1949 : Mission à Tanger (André Hunebelle). Véronique (Robert Vernay). 1951 : Le Plaisir – sk. La Maison Tellier (Max Ophuls). 1953 : Blood Orange (Terence Fisher). 1959 : Jet Storm (Cy Endfield). 1988 : Comédie d’été (Daniel Vigne). 1994 : Les Cent et Une Nuits de Simon Cinéma/Les Cent et Une Nuits (Agnès Varda, rôle coupé au montage).

De gauche à droite, photos extraites de: Circonstances atténuantes (Jean Boyer, 1939), Donne-moi tes yeux (Sacha Guitry, 1943), Les Anges du péché (Robert Bresson, 1943)

FILMOGRAPHIE TÉLÉVISON :

1954 : The Vise – épis. The Eavesdropper (David MacDonald). 1957 : Sailor of Fortune – épis. The Counterfeit Cigars (John Guillermin). 1958 : The Vise – épis. The Visitor (réalisateur non connu). 1991 : La Grande Dune (Bernard Stora).

De gauche à droite, photos extraites de: Étoile sans lumière (Marcel Blistène, 1945), La Belle et la Bête (Jean Cocteau et René Clément, 1945), Rêves d'amour (Christian Stengel, 1946)

LIENS VIDÉO :

www.youtube.com/watch?v=gv9z8ZiwGr8&feature=related (La Règle du jeu, Jean Renoir, 1939, avec Marcel Dalio, Nora Grégor, Roland Toutain, Jean Renoir, Paulette Dubost, Lise Élina, Pierre Nay, Géo Forster et les autres…).

www.youtube.com/watch?v=vM-4y1chyAw (Rêves d’amour, Christian Stengel, 1946, avec Pierre Richard-Willm, Jules Berry et Annie Ducaux).

www.dailymotion.com/video/x1vrov_le-premier-audiard_shortfilms (Mission à Tanger, André Hunebelle, 1949, avec Raymond Rouleau, Louis de Funès et Christian Bertola).

www.youtube.com/watch?v=2itBYA1XplA (Le Plaisir : La Maison Tellier, 1951, avec Jean Gabin, Madeleine Renaud, Danielle Darrieux, Paulette Dubost, Ginette Leclerc, Héléna Manson, Mathilde Casadesus et Jocelyne Jany).

© Armel de Lorme