Il y a des dimanches, décidément, qu’on ferait mieux de passer
couché, téléphone débranché et accès Internet en vacances.
Annonce de la disparition, consécutive à une bronchite ayant dégénéré
en infection pulmonaire, de la comédienne de théâtre, cinéma et
télévision d’origine arménienne Rosy Varte, née le même jour
que Piéral et décédée le même jour que Mila Parely. Sa
filmographie exhaustive permettra de rappeler, à qui la parcourra,
qu’elle ne fut pas seulement, huit années durant,
l’effervescente Maguy de la sitcom du même nom (qui elle, ne l’était
pas des masses, effervescente), mais surtout, et avant tout, la
Normande haineuse de Manon
(Henri-Georges Clouzot, 1948), la buveuse d’absinthe blasée de French
Cancan (Jean Renoir, 1954), la tenancière pragmatique du Petit
Prof (Carlo Rim, 1958), la réfugiée juive de Fortunat
(Alex Joffé, 1960), la mère hospitalière d’Antoine
et Colette (François Truffaut, 1961), l’indiscrète infirmière
bénévole de Thomas
l’Imposteur (Georges Franju, 1964), la bistrote lyonnaise du Voyage
du père (Denys de La Patellière, 1966), la grande sœur énergique
de Mon oncle Benjamin (Édouard
Molinaro, 1969), l’héritière cupide du Viager
(Pierre Tchernia, 1971), l’aubergiste vitupérante du Bar de La Fourche (Alain Levent, 1972), la quinquagénaire encore séduisante
de Peur sur la ville
(Henri Verneuil, 1974), la (jeune) grand-mère endeuillée de L’Amour
en fuite (François Truffaut, 1978), ou encore l’ex-compagne
demeurée la meilleure amie malgré les années écoulées du
protagoniste mâle de Garçon !
(Claude Sautet, 1983).
En parallèle, une fréquentation longue et assidue des planches
avait permis à Rosy Varte de s’illustrer aussi bien au TNP, où
elle joua la mère Ubu d’Ubu
roi sous la direction de Jean Vilar, que sous les ors du Théâtre-Français,
et ceux qui ont eu vingt ou trente ans à la toute fin des années
40 se rappelleront, à l’instar d’Alice Sapritch la
portraiturant d’un trait peu amical dans ses Mémoires (Femme-public – Ma vérité, 1986), qu’elle joua longtemps les prima
donna au cabaret « La Rose Rouge », fondé par Nico
Papatakis et dont son premier mari, Yves Robert, était alors
l’animateur. Fin de parcours – et de partie – aux côtés de
Christophe Dechavanne (Hubert
et le chien, Laurence Katrian, 2007), mais quand on a aligné
sur un curriculum-vitae couvrant six décennies les noms de Renoir,
de Franju et de Truffaut, cumulé la bagatelle de douze rôles différents
dans le virevoltant Les hommes ne pensent qu’à ça… (Yves Robert, 1953), survécu
vaillamment à plus d’une demi-douzaine de tournages avec Alex
Joffé, sauvé par sa seule présence à l’écran l’affligeant
et jamais drôle Rock and Torah (Marc-André Grynbaum, 1982) et porté à bout de
bras, huit saisons durant, une des plus mauvaises séries jamais
produites en France par le service public, on peut tout se
permettre. Même TF1 un lundi en prime
time, en binôme avec un animateur de jeux ringards autoproclamé
comédien pour les besoins du roi Audimat, mais tout heureux, pour
une fois, d’avoir une autre réplique – une vraie – à se
mettre sous la dent qu’une zozotante Sophie Favier ou une
terrifiante Victoria Silvstedt. AdL
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