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ENCYCLOPÉDIE DU CINÉMA FRANÇAIS

 

 

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Hommages
 

 

Véronique Silver

Véritable nom : Louise Isabelle Maria Puret.

Née à Amiens (Somme) le 2 septembre 1931.

Veuve d’Henri Émile Georges Marie Désiré Virlogeux, dit Henri Virlojeux (1924-1995).

Décédée à Paris (15ème) le 24 juillet 2010.

Après Martine Sarcey, c’est une autre figure emblématique de la galaxie Vecchiali-Biette-Guiguet-Davila-Frot Coutaz, qui disparaît à son tour (été de merde !), en la personne de Véronique Silver, tandis qu’à quelques contrariétés d’ordre auditif, familial et financier près, la presque nonagénaire Liliane Bettencourt, elle, se porte comme un charme, ce qui prouve, si besoin est, que le monde est vraiment mal fait. De naissance picarde, Véronique Silver, avait dû attendre la quarantaine pour se faire, lentement mais sûrement, une place au grand écran, dont le patronyme reste à tout jamais lié au rôle de la Madame Jouve – hommage discret au romancier du même nom – de La Femme d’à côté (François Truffaut, 1981), prélude, 17 années plus tard à la narratrice sereine des Passagers (Jean-Claude Guiguet, 1998). Guiguet, s’il savait parfois se montrer redoutable (politesse choisie pour « langue de pute ») à l’encontre de la plupart de ses interprètes féminines passées et présentes, ne disait que du bien de Véronique Silver, la seule de ses actrices, avec Fabienne Babe et Françoise Fabian, qu’il ait d’ailleurs dirigée à deux reprises, ne tarissant d’éloges, a posteriori, ni sur son interprétation de « gardienne du temple » du Mirage (1991), ni sur la sensibilité avec laquelle elle avait su restituer la « dame du tramway » des Passagers, témoin impassible mais complice, à sa manière, des chassés-croisés amoureux se déroulant sous ses yeux entre Fabienne Babe, Philippe Garziano, Bruno Putzulu et Stéphane Rideau. Lors de l’avant-première du film collectif L’@mour est à réinventer au Trianon, en novembre 1996, le réalisateur avait personnellement insisté pour que son interprète, invitée à sa demande, se voit attribuer d’office une place dans un carré VIP réduit à une vingtaine de fauteuils, aux côtés de Marion Cotillard, Régine Deforges, Amanda Lear, Laure Marsac, Natacha Régnier, Pierre Salvadori et Niels Tavernier. Le geste, assez exceptionnel de sa part, en disait long sur l’amitié pétrie d’admiration (et réciproquement) qu’il portait à la Dame…

Le reste de sa filmographie est à l’avenant, qui la vit passer, après une éclipse de quelques années, de productions commerciales à budget plus ou moins réduit (Les Moutons de Panurge, Jean Girault, 1960 ; Première Brigade Criminelle, Maurice Boutel, id.) à un cinéma résolument plus ambitieux, pour ne pas dire plus personnel. René Féret, dont elle fut l’une des interprètes de prédilection, la dirigea à trois reprises et n’eut, dans les trois cas, pas à le regretter, Doillon (Du fond du cœur, 1993) comme Garrel (Le Cœur fantôme, 1995) la demandèrent sur le tard, on peut concevoir palmarès moins ambitiex ou plus médiocre, c’est selon. De ses lointains débuts à l’écran, quatre décennies auparavant, Véronique Silver gardait un souvenir tantôt vague, se sachant plus très bien si elle avait effectivement figuré (ou pas) dans le foisonnant Si Versailles m’était conté… (Sacha Guitry, 1953), tantôt précis. Amusée, elle évoquait volontiers, avec distance et humour, les raisons, au fond assez ballotes, qui la virent, jeune comédienne, disparaître de la version définitive des Amants de Montparnasse (Montparnasse 19) (Jacques Becker, 1957) : J’avais une très jolie scène avec Gérard Philipe, mais quelqu’un, je n’ai jamais su qui, s’est avisé lors du montage qu’Anouk Aimée et moi portions toutes les deux la même robe, ou nuisette, je ne sais plus très bien, au cours du film, donc pour une banale question de costume, il a été décidé de faire disparaître mon personnage, qui n’apportait pas grand chose à l’intrigue, plutôt que de couper une scène entière d’Anouk. C’est un peu bête, vous ne trouvez pas ? 1.

La maturité venue, et alors que Véronique Silver a, depuis ses débuts, surtout joué – qui le croirait ? – les blanchisseuses, les prostituées, les secrétaires, les prolotes en tout genre et les petites bourgeoises un rien popotes, Joël Séria lui confie, quasiment à contre-emploi, une parfaitement stylée comtesse de Boissy, mariée à un rigide Jean-Pierre Helbert et mère de la débutante Jeanne Goupil, pour les besoins du scénario de Mais ne nous délivrez pas du Mal (1970), dont rien n’interdit de penser qu’il s’agit, avec le troublant Marie-Poupée, de l’un des meilleurs films de son réalisateur-scénariste-dialoguiste. D’autres rôles suivront, généralement placés sous le double signe du cinéma d’auteur et de la moyenne ou de la grande bourgeoisie, qui la verront enchaîner, entre constance et probité, des mères castratrices censément insupportables (Dites-lui que je l’aime, Claude Miller, 1977), des épouses de député (La Part du feu, Étienne Périer, id.), de décidées mécènes aux amants vingtenaires (La Tortue sur le dos, Luc Béraud, id.), de naturellement autoritaires présidentes de Cour d’Assises 2 (La Passante du Sans-Souci, Jacques Rouffio, 1981) ou – à l’opposé – de très borderline hôtesses de séminaires ne se déroulant exactement comme prévu (La vie est un roman, Alain Resnais, 1982). Créatures fortes et fragiles à la fois, d’une manière générale solidement ancrées dans le réel sans pour autant s’interdire de rêver, mais auxquelles, pour faire bon poids bonne mesure, il conviendrait encore d’ajouter la cousine de province éleveuse de souris de Ballade à blanc (Bernard Gauthier, 1981), la paysanne neurasthénique du Destin de Juliette (Aline Issermann, 1982), l’actrice retirée d’Archipel des Amours (Jacques Frenais, 1982) ou la commerçante opportuniste de Blanche et Marie (Jacques Renard, 1984) évoquées en diagonale, mais non sans à-propos, par Jacques Valot et Gilles Grandmaire dans leur indispensable Stars deuxième3.

Jacques Valot, précisément, avant de rappeler dans un bref addenda que Véronique Silver, à ses débuts, s’était également illustrée au TNP sous la direction de Vilar et avait travaillé avec Andréas Voutsinas, parachevait son portrait en laissant entrevoir, à la faveur d’un retour sur la Mme Holberg de La vie est un roman, le potentiel comique encore sous-exploité, à la fin des années 80, d’une actrice appelant de tous ses vœux des rôles plus légers. Ce furent en définitive les planches qui les lui apportèrent peu après, et les spectateurs ayant assisté, il y a un peu plus de vingt ans, à la création sur la scène des Bouffes-Parisiens d’Une absence de Loleh Bellon, chronique douce-amère du quotidien à l’hôpital d’une institutrice retraitée devenue amnésique suite à une attaque cérébrale, n’oublieront pas de sitôt l’assez prodigieux carré de dames formé à cette occasion par Suzanne Flon, Catherine Rouvel, Martine Sarcey (regrets éternels) et Véronique Silver, parfaitement inattendue et tout à fait irrésistible en concierge bécasse, bavarde et survoltée ne cessant de cancaner que pour engloutir, entre deux piapias généralement dénués d’intérêt, des cerises cœurs de pigeon par poignées entières. Elle semblait, représentation après représentation, s’amuser comme une petite folle et, partant, mettait le spectateur en joie à chacune de ses entrées en scène. Qui, après la très pragmatique Béatrice Beuve (La Tortue sur le dos) et la  très chaleureuse Mme Jouve imaginée par Truffaut se souviendra de cette Véronique Silver-là ? Ou encore de la femme, délicieuse et disponible qui, lorsqu’on l’interrogeait sur sa carrière, finissait toujours par vous décocher, presque par surprise, un très irrésistible : « Et maintenant, si l’on parlait un peu d’Henri (Virlojeux)4 ? Il était beaucoup plus intéressant que moi, vous savez ». On ne saura probablement jamais lequel, d’Henri ou de Véronique – elle lui survécut quinze ans –, était au final le plus intéressant, ou même le meilleur comédien, mais rien n’interdit non plus de penser que ces deux-là s’étaient, foutrement, bien trouvés.

1. Propos recueillis par téléphone en 1996.

2. Emploi tenu quasiment à l’identique dans deux épisodes (au moins) de la série télévisée Messieurs les Jurés, L’Affaire Lezay (Alain Franck, 1980) et L’Affaire Crozet (Alain Franck, 1983).

3. Stars deuxième, Éditions Édilig, 1989.

4. Si Véronique Silver et Henri Virlojeux n’ont à notre connaissance jamais tourné ensemble pour le grand écran, ils ont en revanche partagé l’affiche de quelques dramatiques télévisées, parmi lesquelles Un jour à Nice (Serge Moati, 1973), Le Pain noir (Serge Moati, 1974), Tous les jours de la vie (Maurice Frydland, 1975), Malesherbes, avocat du Roi (Yves-André Hubert, 1981), Terres gelées (Maurice Frydland, 1995)…

FILMOGRAPHIE CINÉMA :

1953 : Si Versailles m’était conté… (Sacha Guitry, présence non formellement établie). 1957 : Les Amants de Montparnasse (Montparnasse 19) (Jacques Becker, n’apparaît pas dans les copies actuellement visibles). Méfiez-vous Fillettes (Yves Allégret). 1960 : Les Moutons de Panurge (Jean Girault). Première Brigade criminelle (Dossier international M.A.T 444) (Maurice Boutel). 1964 : Moi et les hommes de 40 ans (Jack Pinoteau). 1970 : Mais ne nous délivrez pas du Mal (Joël Séria). 1976 : La Communion solennelle (René Féret). 1977 : Dites-lui que je l’aime (Claude Miller). La Jument-vapeur (Joyce Buñuel). La Part du feu (Étienne Périer). La Tortue sur le dos (Luc Béraud). 1979 : Mon oncle d’Amérique (Alain Resnais). 1980 : Et pourtant, elle tourne… (François Raoul-Duval). 1981 : Ballade à blanc (Bertrand Gauthier). La Femme d’à côté (François Truffaut). La Passante du Sans-Souci (Jacques Rouffio). Toute une nuit (Chantal Akerman). 1982 : Archipel des Amours – sketch Passage à l’acte (Jacques Frenais). Le Destin de Juliette (Aline Issermann). La vie est un roman (Alain Resnais). 1983 : Le Chien (Jean-François Gallotte). 1984 : Blanche et Marie (Jacques Renard). Mystère Alexina (René Féret). Stress (Jean-Louis Bertuccelli). 1986 : Où que tu sois (Alain Bergala). Poussière d’ange (Édouard Niermans). 1988 : La Maison de jade (Nadine Trintignant). 1989 : Final (Irène Jouannet, CM). Il y a des jours… et des lunes (Claude Lelouch). Noce blanche (Jean-Claude Brisseau). 1990 : Aujourd’hui peut-être… (Jean-Louis Bertuccelli). 1991 : Les Enfants du Naufrageur (Jérôme Foulon). Le Mirage (Jean-Claude Guiguet). 1993 : Attitudes (Éva Darlan, CM). Du fond du cœur (Jacques Doillon). Les Frères Gravet (René Féret). 1995 : Le Cœur fantôme (Philippe Garrel). 1998 : Les Passagers (Jean-Claude Guiguet). 2005 : Je vous trouve très beau (Isabelle Mergault). 2006 : Faut que ça danse ! (Noémie Lvovsky).

LIENS VIDÉO :

www.izlese.org/la-femme-d-a-catac-truffaut-1981-parte-finale1.html (La Femme d’à côté, François Truffaut, 1981 : séquence finale commentée par Véronique Silver/Mme Jouve).

www.youtube.com/watch?v=WTE9K6jHQ4w (La vie est un roman, Alain Resnais, 1982 : extrait).

www.dailymotion.com/video/x9ah5c_les-passagers-bande-annonce-fr_shortfilms (Les Passagers, Jean-Claude Guiguet, 1998 : bande-annonce).

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